Guillaume Boissieras : « Le stand-up c’est parler de soi pour parler à tout le monde »

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À Amsterdam existait du stand-up en néerlandais et en anglais. En avril 2022, Guillaume Boissieras et sa bande ont eu envie de créer une scène ouverte de stand-up francophone, pour faire rire et pour rire dans leur langue natale. Un an plus tard, l’essai est transformé. Le public est là, les artistes aussi. 45 personnes sont passées sur scène pour partager leurs textes et leur humour. La pionnière Shirley Souagnon qui a fait ses début en 2008 ainsi que l’audacieuse et féministe Rosa Bursztein ont fait partie des têtes d’affiche venues rencontrer le public des French Night. Le « Dam Qui Rit Comedy Club » va souffler sa première bougie le 19 avril avec un plateau de 10 humoristes. Bordelais installé à Amsterdam depuis 5 ans, Guillaume Boissieras, 31 ans, revient sur cette première année d’existence. 

Comment sont nées les French night, devenues un rendez-vous francophone en vue à Amsterdam ?
Cela s’est fait un peu par hasard. Je vis à Amsterdam, j’avais très envie de faire du stand-up, et je cherchais à droite et à gauche toutes les scènes qui pouvaient être disponibles. J’ai joué dans la librairie française, dans un appartement, je faisais des premières parties de pièces de théâtre, je jouais avant un Shakespeare par exemple. Je faisais dix minutes par ci par là, avec à chaque fois des sketchs qui portaient sur mon vécu d’expat qui découvre les Pays-Bas.

Et puis ça s’est transformé en aventure collective…

Oui, je cherchais une scène, mais surtout une audience pour travailler mes sketches. C’est une bonne chose d’avoir réussi à motiver d’autres personnes. J’avais envie de partager cette passion que j’avais depuis 2-3 ans. Le stand-up a un côté très solitaire, donc c’est bien d’avoir pu créer ça à plusieurs, avec Vincent, Natacha, Assia, François, Cams et avec Antoine notre présentateur. On joue seul mais au moins on est une troupe !

Tu as osé, et ça a marché…
Je ne m’attendais à ce que ça motive autant de gens autour de moi de faire le pas et de se lancer dans le stand-up. Le second palier a été de voir des humoristes francophones nous contacter pour venir jouer à Amsterdam. Et puis maintenant, le troisième palier, c’est que des artistes que j’admire viennent ici, également grâce au soutien de l’Alliance Française d’Amsterdam. Nous avons eu Shirley Souagnon, Rosa Bursztein, et Thomas VDB qui viendra le 9 mai.

Quel est ton meilleur souvenir de l’année qui vient de s’écouler ?
La venue de Shirley Souagnon. J’étais assis avec mes copains, on a commencé à faire de l’impro ensemble, et là, on se retrouvait face à quelqu’un qui a participé au développement du stand-up en France. On regardait ses spectacles et ses passages à Montreux sur Internet. En la voyant chez nous, on s’est dit, ah ouais, on a créé un truc vraiment sérieux.

Des frustrations dans tout ce bonheur ?
Pendant une soirée Dam Qui Rit, je suis concentré sur l’organisation pour que tout se déroule bien. Quand je joue, je suis aussi très concentré sur ce que je vais raconter. Et donc, c’est dur de profiter de l’instant. Je me retrouve à regarder ce qui ne fonctionne pas, à voir tous les trucs qui auraient pu être améliorés. Mais c’est ce qui permet que le Dam devienne de plus en plus professionnel. Et je me suis découvert des qualités que je ne soupçonnais pas, la rigueur et un peu de leadership aussi.

Tu décris votre arrivée sur la scène du Comedy Café comme une étape… un peu flippante.
Oui c’était une vraie rupture quand on est arrivés au Comedy Café après le théâtre Perdu où on avait commencé : la salle compte le double de spectateurs ! J’ai senti le public devenir de plus en plus exigeant. Nous étions amateurs, et devoir se produire et tester des nouvelles choses devant 140 personnes, ça a été un peu compliqué.

Qu’est-ce que le bouche-à-oreille dit de l’arrivée de cette scène d’humour francophone dans le paysage ?
J’ai l’impression qu’il fonctionne super bien le bouche-à-oreille parce qu’on n’est pas très forts en termes de communication. On n’inonde pas les réseaux sociaux. J’avais peur à un moment que le public se dise « Ils nous vendent du rêve en proposant des soirées stand-up » et qu’il trouve ça amateur. Et finalement les gens reviennent, et on voit toujours de nouvelles personnes dans la salle. Je pense que ça plaît. Les gens sortent contents. Il n’y a pas eu de flop !

Le DQR réunit des humoristes qui vivent ici et qui débutent et des humoristes plus aguerris.
Mon idée, c’est qu’il y ait une troupe d’humoristes francophones, des expatriés à Amsterdam ou aux Pays-Bas, et qu’on suive leurs aventures. A chaque fois, ils racontent une nouvelle histoire, ce qui représente pas mal de travail ! Les gens s’attachent à nos personnages. Ils viennent pour cette partie là, mais ils viennent aussi pour découvrir de nouveaux artistes que je rencontre dans des comedy clubs en France ou en Belgique, qui ont un vrai univers à partager et nous donnent des nouvelles de l’actualité française.

De plus en plus de gens se lancent dans le stand-up et les comedy clubs fleurissent un peu partout.
C’est vrai que quand je dis que je fais du stand-up, ce n’est plus du tout original. On me répond : « ah oui toi aussi ». On a eu ça avant avec les mecs qui faisaient de la guitare ou qui devenaient DJ. Il y a une mode. Tous mes algorithmes de réseaux sociaux ne me montrent que du stand-up tout le temps, tout le temps, tout le temps. Peut-être parce que j’en regarde beaucoup !

J’avais l’impression le stand-up était un genre désormais identifié, surtout depuis la série « Drôle » qui a cartonné sur Netflix. Mais j’ai rencontré ces derniers mois pas mal de personnes qui m’ont dit « Le stand-up, c’est quoi ? ». Qu’est-ce que tu leur répondrais ?
Je dirais que le stand-up c’est parler de soi pour parler à tout le monde. Shirley Souagnon me disait que le stand-up, c’est briser le quatrième mur, et c’est vrai.

Il se fait l’écho de nos malaises, de nos complexes, de nous coups de gueule. Le point de départ, c’est le vécu…
Exactement. Je rigole de ma vie d’expat mais j’ai aussi quelques sketchs où je parle du Guillaume qui vient d’avoir 30 ans, de tous les problèmes de trentenaire, des questions sur le couple. Je sens que le public adhère davantage et je prends plus de plaisir parce que je parle vraiment aux gens. En ce moment, mon leitmotiv est de trouver toutes les pensées inavouées que je peux avoir pour en parler sur scène, faire rire, mais surtout pour que les gens se disent « Ah mais en fait, je suis normal parce que moi aussi, j’ai ces pensées là ». Cela m’a pris un moment d’être de plus en plus personnel dans mon écriture. De fil en aiguille, j’ai construit un spectacle que je commence à tourner en France, à Bordeaux notamment.

Rosa Bursztein décrit le bide comme quelque chose de violent. Tu ressens ça aussi ?
J’ai réalisé qu’il y a des jours où tu es drôle, de bonne humeur, tu as envie de faire des blagues et des jours, non, et là c’est plus dur. Mes sketches ne fonctionnent pas toujours de la même façon mais j’ai eu la chance de n’avoir jamais pris de gros bides. J’ai par contre assisté à des bides où pendant dix minutes, il y a un silence radio dans la salle, pas même un rire de compassion. Ça, c’est vraiment dur. Les jours où ça ne marche pas, tu restes focalisé sur les choses qui n’ont pas fonctionné. Tu te dis : « Bon, ce n’est peut-être pas fait pour moi ». Mais en fait, je ne sais pas trop pourquoi, on y retourne toujours.

Comment vois-tu l’avenir du Dam Qui Rit Comedy Club ?
On va rester à 2 soirées par mois, et je vais tenter des formats carte blanche. Je suis content parce qu’on a trouvé une salle plus petite, le Nieuwe Anita. J’aimerais y faire jouer en priorité les Français qui vivent aux Pays-Bas pour qu’on puisse s’entraîner, tester nos sketches. Ce qui est bien avec cette salle, c’est qu’on va pouvoir vendre des planches françaises, fromage et charcuterie, car les gens se plaignaient qu’il n’y avait rien à grignoter dans nos soirées. On va créer une vraie ambiance soirée en France, et c’est chouette.

Bref, l’aventure continue…
Oui. C’est sûr. Mais je n’ai pas envie de faire des plans sur la comète. Je n’ai pas envie de créer une grosse machine. Tant que le public est là, c’est cool, je veux garder cette ambiance chaleureuse et familiale.

Interview recueillie par Anne Leray

Le Dam qui rit Comedy Club fête ses 1 an, mercredi 19 avril, 19h30-22h30 au Comedy Cafe à Amsterdam.
Avec Mohamed Merabet, Maeva, Remy Golo, Mayk Guillaume, Alesque, Louis, Cedric, MattBreak, Chloe, et François en MC.

https://www.eventbrite.nl/e/billets-dam-qui-rit-comedy-club-fete-ses-1-an-603354568757?fbclid=IwAR0vRfCTsb1ngGfLlE0bvqYJ4I3ELRya4FhxSuInTqLoCZQxdqhuQDFHZTA

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